Résidence alternée – Jurisprudence Cour d’appel de Versailles




COUR D'APPEL DE VERSAILLES    ARRET  CONTRADICTOIRE DU   28 MARS 2019   

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MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fixation de la résidence d’ENFANT et le droit de visite et d’hébergement des parents

Selon l’article 373-2-6 du code civil, le juge doit régler les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts de l’enfant mineur. C’est sous cette condition générale que le juge fixe en particulier la résidence de l’enfant, soit en alternance au domicile de chacun des parents, soit au domicile de l’un d’eux par application des dispositions de l’article 372-2-9 du code civil.

Pour ce faire et en vertu de l'article 373-2-11 du même code, le juge prend, notamment, en considération, la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient   pu   antérieurement   conclure,   les   sentiments   exprimés   par   l’enfant   mineur   dans   les conditions prévues à l’article 388-1, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant, les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes sociales, les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.

La résidence alternée permet à l'enfant de trouver auprès de ses père et mère une éducation équilibrée dans la coparentalité, de bénéficier plus équitablement de leurs apports respectifs et est de nature à réduire les conflits liés à l'exercice du droit de visite et d'hébergement.

Toutefois, ce mode d’hébergement doit correspondre à l’intérêt de l’enfant, qui est défini en fonction des besoins qui lui sont propres, de sa personnalité et de son âge.

Le droit de l’enfant au respect de ses relations familiales et le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents est consacré par l’article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant, l'article 3 § 1 de cette Convention précisant que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant.

XY fait grief au premier juge de s’être référé à une expertise médico-psychologique datant du 3 octobre 2012 totalement désuète, de ne pas avoir pris en compte le réel intérêt de l’enfant, soulignant que le droit de visite médiatisé, du fait du délai d’attente de quatre mois, a contribué à pérenniser la rupture des liens père-fils initiée par Mme XX depuis le vendredi 2 février 2018 (date à laquelle celle-ci a suspendu unilatéralement le droit de visite et d’hébergement du père), d’avoir donné un blanc-seing à l’attitude de l’intimée visant à détruire ce lien sans rechercher conformément à la jurisprudence européenne, si le comportement de la mère ne traduisait pas son refus de respecter le droit de l’enfant à entretenir des relations régulières avec son père.

Il fait valoir que Mme XX cherche à le disqualifier dans sa fonction paternelle et qu’il y a eu douze non-représentations d’enfant consécutives depuis le 2 février 2018, alors qu’il a toujours respecté la place de la mère dans la vie de l’’ENFANT.

Mme XX réplique que le 24 janvier 2018, son fils est revenu très perturbé de chez son père et qu’après avoir été insulté et menacé par ce dernier, il refuse catégoriquement de le voir, qu’elle a saisi le juge aux affaires familiales en urgence afin de protéger l'ENFANT du harcèlement psychologique de son père visant à le faire changer d’avis sur son mode de résidence, la conduisant à déposer plainte le 29 janvier 2018. Elle conteste manipuler son fils et souligne que les divers intervenants ont constaté le dénigrement du père vis-à-vis de la mère. Elle objecte que M. XY ne s’occupe pas de l’ENFANT lorsqu’il l’héberge, lequel est terrorisé par les hurlements et les humiliations de son père. Elle soutient que l'ENFANT ne veut revoir son père qu’en lieu neutre, que M.XY a fait obstacle aux décisions importantes concernant son fils, qu’il a “saboté” le suivi psychologique de l’enfant avec son psychologue-thérapeute, M.ZZZ, et a mis en échec ses activités sportives du mercredi après-midi.

Il ressort des pièces produites de part et d’autre, que chacune des parties se présente comme un parent aimant, attaché à l’enfant et soucieux de son bien-être.

Il est manifeste que depuis la séparation du couple, alors que l’ENFANT n’avait que trois ans, celui-ci souffre du conflit parental dont il est l’enjeu, qu’il est soumis à des pressions qui peuvent conduire à la destruction de l’image de l’autre parent et qui ont provoqué chez lui un désordre (troubles du sommeil, difficultés scolaires, comportement agressif) ainsi qu’une souffrance psychologiques (stress, angoisse) ayant nécessité un accompagnement.

L’intérêt de l’ENFANT, défini comme étant ce que réclame le bien de l’enfant, est d’être élevé par ses deux parents et d’entretenir des relations personnelles avec chacun d’entre eux afin de préserver son équilibre affectif, étant ajouté que le maintien du contact relationnel est considéré comme étant un critère important du bien-être psychique et moral d’un enfant.

Les parties s’affrontent depuis 2009 à travers différentes procédures qui ont pris une coloration pénale depuis 2018, ce qui est révélateur d’une situation illicite et constitue un élément nouveau, la mère ayant déposé plainte contre M.XY pour harcèlement psychologique contre son fils et le père ayant déposé contre Mme XX diverses plaintes pour non-représentation d’enfant.

Les liens père-fils sont distendus, la mise à distance de la figure paternelle alimente le conflit parental alors que les parents sont domiciliés l’un et l’autre à Guyancourt, que l’expertise médico-psychologique de 2012 n’a pas remis en cause les capacités éducatives de M. XY et a évoqué la “surprotection” de la mère envers son fils. L’expert, tout en préconisant le maintien de la résidence de l’enfant au domicile maternel avec des droits de visites élargis pour le père, a conclu que “le principe d’une garde alternée n’est pas à exclure à moyen terme sous réserve que les parents pacifient leur relation et que le père, plutôt que privilégier le temps de présence de l’enfant, améliore la qualité de sa relation avec ENFANT et ne lui fasse pas porter ses griefs contre sa mère, une thérapie familiale, ou à défaut une démarche de médiation, apparaît indispensable pour que chacun des parents prenne conscience de sa part de responsabilité dans les troubles de l’enfant”.

Le jugement du 18 avril 2013 élargissant le droit de visite et d’hébergement du père a permis une importante amélioration de ses relations avec l'ENFANT ainsi qu’un apaisement du conflit entre les deux parents, favorisés par la mesure de médiation familiale mise en place en mai 2013.

La fixation de la résidence de l’enfant chez l’un ou l’autre des parents ne peut qu’instaurer chez lui un sentiment de toute puissance et l’entraîner à dénier les droits de l’autre, à entretenir un climat de concurrence et de ressentiment sans laisser de place au rétablissement de relations apaisées et d’un dialogue constructif entre les parents, qui est pourtant essentiel pour la sécurité affective d’ENFANT, qui est un adolescent, bientôt âgé de 13 ans, en prise à des pensées contradictoires.

Au cours de son audition, l'ENFANT a décrit son père comme une personne impulsive, ayant des attitudes ou des paroles inappropriées envers lui et a indiqué qu’il n’adhérait pas à la résidence alternée souhaitée par son père, préférant le rencontrer dans un espace rencontre.

Si la prise en compte de la parole de l’enfant en justice est une exigence légale, néanmoins l’audition d’un mineur ne doit pas être instrumentalisée par l’un ou l’autre des parents en l’exposant à un conflit de loyauté et en faisant de lui l’arbitre du conflit.

En l’espèce, l’instauration d’une résidence en alternance donne le cadre le meilleur à la mise en oeuvre de l’article 373-2 alinéa 2 du code civil qui prévoit que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent, de façon à éviter la coupure des liens père-enfant, la rupture de l’équilibre affectif de l’ENFANT et afin de l’extraire du conflit parental exacerbé par de longues années de procédure.

En conséquence, il convient d’infirmer la décision entreprise, de fixer la résidence de l’ENFANT en alternance à raison d’une semaine chez l’un et d’une semaine chez l’autre parent, du vendredi soir fin de classe au vendredi matin suivant début de classe, pendant la première moitié de toutes les périodes de vacances scolaires les années paires pour le père et la seconde moitié les années impaires et inversement pour la mère, à l’exception des vacances d’été tant que le père demeure sans emploi, période pendant laquelle M.XY bénéficiera chaque année de la seconde moitié des vacances scolaires, à charge pour les parents de se partager les trajets.

Sur la contribution alimentaire pour l’entretien et l’éducation de l’enfant

En application des dispositions des articles 371-2 et 373-2-2 du code civil, la contribution alimentaire destinée aux enfants est fixée en fonction des facultés contributives respectives des parents et des besoins des enfants ; elle peut être modifiée en cas de survenance d’un élément nouveau suffisamment significatif dans la situation des parents ou des enfants.

Monsieur XY demande de supprimer, ou à tout le moins de réduire, à compter du 5 avril 2018 (date du dernier changement de sa situation financière, correspondant à la perception du R.S.A de 550 € par mois) la contribution à l’entretien et l’éducation de son fils mise à sa charge, alors qu’il n’a pas critiqué ce chef de jugement dans sa déclaration d’appel.

Mme XX se contente de solliciter la confirmation du jugement tout en soulignant que M. XY a introduit une nouvelle demande de suppression de la contribution alimentaire devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles pour une audience prévue le 21 janvier 2019 qui serait selon elle irrecevable en vertu de l’effet dévolutif de l’appel.

La cour n’est pas saisie des mesures financières en vertu de l’effet dévolutif limité par application des dispositions des articles 562 et 901 du code de procédure civile et en conséquence, la demande de l’appelant de ce chef sera déclarée irrecevable.

Sur la demande de l’appelant tendant à fixer une astreinte financière provisoire de 100 € par jour de non-représentation d’enfant à l’encontre de Madame XX à compter du jour de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles

Il convient de débouter Monsieur XY de ce chef de demande eu égard à la résidence alternée instaurée au profit de l’enfant, étant rappelé que la non-représentation d’enfant constitue un délit susceptible d’entraîner des poursuites devant le tribunal correctionnel.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

S’agissant d’un contentieux de nature familiale, il ne paraît pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective au titre des frais irrépétibles et de dire que chacune des parties supportera ses propres dépens d’appel.

La décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant hors la présence du public, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du Conseil

INFIRME le jugement sauf au titre des dépens,

Statuant à nouveau,

DECLARE irrecevable la demande de Monsieur XY tendant à supprimer, ou à tout le moins à réduire, à compter du 5 avril 2018 (date du dernier changement de sa situation financière), la contribution à l’entretien et l’éducation de son fils mise à sa charge,

DIT qu’à défaut de meilleur accord entre les parties, Madame M XX et Monsieur S XY exerceront envers leur fils ENFANT une résidence alternée à raison d’une semaine chez l’un et d’une semaine chez l’autre parent :

* en période scolaire, du vendredi soir fin de classe au vendredi matin suivant début de classe, les semaines paires pour le père et les semaines impaires pour la mère,

*pendant la première moitié de toutes les périodes de vacances scolaires les années paires pour le père et la seconde moitié les années impaires et inversement pour la mère, à l’exception des vacances d’été tant que le père demeure sans emploi, période pendant laquelle M. S XY bénéficiera chaque année de la seconde moitié des vacances scolaires, à charge pour les parents de se partager les trajets,

Y ajoutant,

REJETTE toute autre demande,

DIT que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Voir : Rubrique Avocat droit des pères 
Voir : Rubrique Résidence alternée