accouchement sous X, droit des pères

Droit des pères et accouchement sous X


Lorsqu'une mère fait le choix "d'accoucher sous X", c'est à dire qu'elle demande le secret de son accouchement, le père qui souhaite établir une filiation avec son enfant, en vue de pouvoir le récupérer, s'engage dans un véritable parcours du combattant et une course contre la montre avec les services de l'état. Le père doit en effet réussir à établir sa filiation et se faire restituer l'enfant avant que ce dernier ne soit placé en vue de son adoption.

En effet, l'article 352 a. 1 du code civil dispose que le placement de l'enfant en vue de l'adoption fait non seulement  obstacle à toute restitution de l'enfant au père (et à la mère), mais en plus fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance de paternité.

Or, en vertu de l'article 351 du code civil, lorsque la filiation avec l'enfant n'a pas été établie, le placement en vue de l'adoption peut intervenir dès le début du troisième mois à partir du moment ou l'enfant a été remis aux services de l'état. 

Le père dispose donc d'un délai très court de deux mois, pour identifier et localiser l'enfant (il doit pour cela généralement saisir le procureur de la république), le reconnaitre puis demander sa restitution.

Notons que ce délais est d'autant plus court que le père ne connait généralement même pas la date de l'accouchement de façon certaine et que dans l'hypothèse d'un enfant né prématuré les délais peuvent courir contre le père sans même qu'il le sache. Parfois, le lieu de l'accouchement est inconnu et la recherche de l'enfant rendue d'autant plus difficile.

Si le père échoue, l'enfant sera alors adopté par des tiers.  Et, alors même qu'il a localisé et identifié son enfant, le père ne pourra plus rien faire pour établir sa filiation et donc par extension vivre avec son enfant.

A l'évidence, la combinaison des articles 351 et 352 du code civil, en raison notamment du délai manifestement trop court, porte atteinte par ses conséquences terribles au droit du père et au droit de l'enfant de mener ensemble une vie familiale.

Elle porte atteinte à l'intérêt de l'enfant qui commande qu'il puisse  vivre prioritairement avec son père biologique et ce même si sa mère a décidé de l'abandonner pour le remettre aux services de l'état. Et l'on ne peut qu'être interpellé par l'attitude des services de l'état et des familles adoptantes, qui informés des démarches du père, continuent néanmoins le processus d'adoption.

A l'occasion d'une affaire où un père, en raison du placement de l'enfant dans une famille n'a pu faire obstacle à son adoption ni même établir sa filiation, la Cour de cassation a reconnu que les dispositions des articles 351 et 352 du code civil n'avaient pas déjà été déclarées conformes à la Constitution et que la question prioritaire de constitutionnalité posé par le père devait être reconnu comme ayant un  caractère sérieux en ce qu'elle invoque une atteinte aux droits et libertés garantis par le Préambule de la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Il faudra donc attendre la décision du Conseil constitutionnel pour voir préciser les droits des pères face à un accouchement sous X de la mère. Décision particulièrement attendue, en cette période, où le père biologique tant a être "assimilé" au plan juridique de plus en plus au rang de simple géniteur au profit de d'une notion de "parentalité purement sociale" sans lien biologique avec l'enfant.

Décision de la Cour de cassation : Cass. civ. 1ch. 20 novembre 2019 -
n° de pourvoi: 19-15921