Jurisprudence résidence alternée : Cour d’appel de Versailles 9 février 2017

CA Versailles, 2e ch. 1re sect., arrêt du 9 février 2017


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FAITS ET PROCÉDURE

Des relations entre Monsieur et Madame sont issus deux enfants :

– X, né le XXX, XXX,

— Y, né le XXX, XXX.

Par requête du 5 avril 2016, Madame a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE d’une demande relative aux mesures concernant les enfants communs.

Par jugement du 14 novembre 2016, saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE a, notamment :

— constaté que Madame et Monsieur exercent en commun l’autorité parentale sur les enfants ;

— fixé la résidence des enfants au domicile de Madame ;

— fixé le droit de visite et d’hébergement de Monsieur comme suit :

* hors vacances scolaires : les semaines paires dans l’ordre du calendrier, du mercredi soir 17h au lundi rentrée des classes, avec extension au jour férié qui précède ou qui suit,

* pendant les vacances scolaires : la première moitié des vacances scolaires les années impaires, la seconde moitié les années paires, et par quinzaine l’été, à charge pour le père d’aller chercher ou faire chercher les enfants à l’école ou au domicile de l’autre parent et de les y ramener ou faire ramener par une personne de confiance ;

— fixé à 700 euros par mois et par enfant, soit au total la somme de 1.400 euros la contribution que doit verser le père à la mère pour l’entretien et l’éducation des enfants ;

— condamné le père au paiement de ladite pension ;

— dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

Par déclaration du 6 décembre 2016, Monsieur a formé un appel de portée générale contre cette décision.

Par acte du 21 décembre 2016, Monsieur a assigné à jour fixe Madame devant la cour.

Au terme de ses dernières conclusions du 09 janvier 2017, il demande à la cour de :

— le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

— y faisant droit, infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 14 novembre 2016 ;

— statuant à nouveau, à titre principal, fixer la résidence habituelle des enfants X et Y aux domiciles de leurs parents en alternance ;

— dire qu’il n’y a pas lieu à versement par lui d’une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants entre les mains de Madame ;

— à titre subsidiaire, fixer la contribution dont il est débiteur au titre de l’entretien et l’éducation des enfants à la somme de 200 euros par mois et par enfant, soit la somme totale de 400 euros par mois ; – en tout état de cause, condamner Madame à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Madame aux entiers dépens.

Par conclusions du 10 janvier 2017, Madame demande à la cour de :

— rejeter les pièces X à X de son adversaire,

— confirmer le jugement en ce qu’il a fixé la résidence des enfants à son domicile, fixé le droit de visite et d’hébergement du père ainsi que sa contribution à l’entretien et l’éducation des enfants,

— condamner Monsieur à lui verser la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux dépens.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie

expressément à la décision déférée ainsi qu’aux écritures déposées et développées à l’audience.

SUR CE, LA COUR

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Sur le mode de résidence des enfants :

Considérant qu’il est constant que suite à leur séparation, les parents sont convenus de mettre en place une résidence alternée d’abord inégalitaire sur un mode mensuel de 20 jours chez la mère et 10 jours chez le père, puis, à compter de mars 2015 sur un mode égalitaire hebdomadaire ;

Considérant que pour modifier cette pratique égalitaire et revenir à un mode inégalitaire en accordant au père un droit de visite et d’hébergement pendant les périodes scolaires chaque semaine paire du mercredi 17 heures au lundi matin rentrée des classes, le premier juge a retenu d’une part que Monsieur s’absentait pour son travail lors de ses semaines de garde ou qu’il préférait laisser les enfants malades à leur mère quand il devait les accueillir , d’autre part qu’il semblait que ses demandes de changement étaient fréquentes et plaçaient la mère en difficulté pour s’organiser ;

Considérant qu’il résulte de l’article 373-2-6 du code civil que le juge doit veiller spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ;

Que l’article 373-2-9 du même code prévoit que la résidence des enfants peut être fixée en alternance au domicile de chacun de ses parents ou au domicile de l’un d’eux ;

Que l’alternance est un système simple, prévisible, qui permet aux enfants comme aux parents de se projeter dans l’avenir et de construire des projets fiables ; qu’elle est de nature à réduire les conflits liés à l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement et aux modifications qu’un tel système engendre ; qu’elle permet aux enfants de prendre appui de façon équilibrée sur chacun des parents et de bénéficier plus équitablement de leurs apports respectifs de nature différente mais complémentaires, la mère dans le champ de la protection émotive, le père de la loi structurante ;

Considérant en l’espèce que l’attachement de chaque parent envers les enfants n’est pas discuté ; qu’ils offrent chacun des capacités éducatives même s’ils n’ont pas les mêmes méthodes, aucun ne pouvant prétendre faire mieux que l’autre mais chacun faisant différemment ;

Considérant que les parents ont instauré un système d’alternance depuis leur séparation d’abord inégalitaire puis égalitaire ; qu’aucun d’eux n’allègue que ce mode de résidence soit la source d’un mal-être palpable chez les enfants justifiant de bouleverser leurs habitudes quotidiennes et leurs repères ;

Qu’ainsi, il résulte des bilans scolaires de février et juin 2016 ou encore du premier trimestre 2016/2017 produits par Monsieur que l’Enfant produit un travail satisfaisant et ne pose aucune difficulté dans le milieu scolaire ; que de très nombreuses attestations établissent que les deux enfants sont épanouis avec chacun de leurs parents auxquels il sont très attachés ;

Considérant que s’il n’est pas contestable que Monsieur effectue dans le cadre de son travail des déplacements à l’étranger qui justifient des aménagements de son temps de garde, ces déplacements qui restent limités selon les attestations versées aux débats ne remettent pas en cause son investissement auprès des enfants et ne le disqualifient pas en tant qu’éducateur ;

Qu’en outre, les parents peuvent l’un et l’autre, en raison de leurs contraintes professionnelles, avoir recours à des aides extérieures pour être secondés dans leurs tâches éducatives comme c’est le cas de nombreux parents qui travaillent ; que Monsieur peut ainsi compter sur son épouse dont les rapports avec les enfants sont de bonne qualité comme en témoigne l’assistante maternelle (pièce 14) comme Madame qui peut compter sur son compagnon ;

Considérant que si les deux parents peuvent éprouver des difficultés dans leurs relations en s’ingéniant à compliquer un système d’alternance pourtant simple, ils n’en communiquent pas moins même s’il apparaît essentiel qu’ils se recentrent plus sur l’intérêt de leurs enfants que sur la satisfaction d’intérêts personnels ; que les difficultés relatives à l’exercice de la co- parentalité évoquées par Madame ne sont pas de nature à disparaître davantage dans le système mis en place par le premier juge que dans une alternance égalitaire ;

Qu’ainsi, à défaut de démontrer que l’intérêt des enfants commande de modifier la pratique mise en place par les parents depuis mars 2015, le jugement qui a rompu cette pratique doit être réformé et une alternance égalitaire remise en place à compter du présent arrêt selon un rythme hebdomadaire, la transition s’effectuant le vendredi à 18 heures 30 afin d’éviter aux enfants d’avoir à préparer leurs affaires dès le jeudi soir et de leur permettre de les préparer entre la sortie de l’école et leur départ ; que chaque parent devra aller chercher ou faire chercher les enfants au domicile de celui dont la garde s’achève ;

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PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a constaté l’exercice conjoint de l’autorité parentale et en ce qu’il a réparti les périodes de vacances scolaires des enfants entre les parents,

Le RÉFORME pour le surplus, STATUANT à nouveau ;

FIXE à compter de la signification du présent arrêt, la résidence des deux enfants pendant les périodes scolaires en alternance au domicile de chacun de leurs parents, les semaines paires du calendrier chez leur père, les semaines impaires chez leur mère, la transition s’effectuant le vendredi à 18 heures 30, chaque parent devant venir chercher ou faire chercher les enfants au domicile de celui dont la période de garde s’achève,

DIT que par dérogation, les enfants passeront la fête des mères avec leur mère et la fête des pères avec leur père,

FIXE à 200 euros le montant de la contribution mensuelle du père à l’entretien et l’éducation de chaque enfant et CONDAMNE Monsieur en tant que de besoin à payer cette somme à Madame à compter de la signification du présent arrêt,

DIT que cette pension sera réévaluée le 1er février de chaque année par le débiteur et pour la première fois

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DIT que cette contribution sera due au-delà de la majorité ou jusqu’à la fin des études poursuivies par l’enfant dont il devra être justifié chaque année ou jusqu’à ce que l’enfant exerce une activité rémunérée non occasionnelle lui permettant de subvenir lui-même à ses besoins ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d’appel,

REJETTE toute autre demande des parties,

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Xavier RAGUIN, président, et par N. B, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT