Une enquête sur la résidence alternée intitulée « Une semaine sur deux, comment les parents séparés se réinventent » est éditée aux éditions Les Arênes.
Les livres sur la résidence alternée, qui concernent pourtant près d’un demi-million d’enfants, sont suffisamment rares, pour ne pas manquer de signaler cette parution.
L’auteur, Benoit Hachet, lui-même parent alternant pendant 16 ans (son fils avait deux ans lorsque l’alternance a été mise en place), a mené de 2011 à 2018 une série d’entretiens avec une quarantaines de parents, mais aussi des juges aux affaires familiales, des avocats, des médiateurs familiaux.
Il a également analysé les réponses à un questionnaire en ligne envoyé à un échantillon de 20 000 personnes identifiées comme alternantes par la Caisse nationale des allocations familiales et auquel ont répondu plus de 5000 parents.
En cela, l’enquête est inédite et permet de compléter les données statistiques que publie régulièrement l’INSEE sur la résidence alternée.
Elle vient confirmer ce que pressentaient les professionnels s'intéressant la résidence alternée. A savoir que « 87 % des parents alternants (..) répartissent le temps de résidence des enfants de manière égale » avec une alternance d’une semaine sur deux dans 89% des cas (B. Hachet, Une semaine sur deux » - Édition du Kindle - pp. 72-73).
Il ressort également de l’enquête que pour 95% des alternants, les passages de bras s’effectuent principalement le vendredi (53%) ou le lundi matin (23%) » c’est-à-dire à la sortie ou la rentrée des classes (op. cit p.79).
Il apparaît aussi que l’alternance se poursuit sur un rythme hebdomadaire durant les petites vacances et pour les grandes vacances « 34 % des alternants partagent l’été un mois / un mois, (..) ; 37 % alternent chaque quinzaine ; 8 % s’organisent d’une autre manière (..) ; seuls 5 % continuent sur un rythme hebdomadaire) (op.cit Édition du Kindle- pp. 88-89). Enfin, selon l’étude de l’auteur, « 84 % des parents déclarent qu’il n’y a pas de pension alimentaire versée ou reçue » (op cit. . (p. 97).
Ces résultats dessinent en fait la convention parentale type que rédigent le plus souvent les avocats en droit de la famille. Dans l’immense majorité des cas, les parents demandent effectivement une alternance par semaines et sans contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant versée à l'autre parent. Chacun assumant alors ses charges lorsque l'enfant est à son domicile.
L’autre intérêt de l’ouvrage réside dans les nombreux témoignages de parents alternants. Aussi, sa lecture est recommandée à tous les parents qui envisagent la mise en place d’une résidence alternée pour leurs enfants. Elle est aussi recommandée à ceux qui pratique déjà l'alternance et se posent des questions sur la façon dont s’organisent les autres parents et sur ce qu’en pensent les autres enfants.
En tant qu’avocat en droit de la famille dont la pratique est dédiée à l’obtention de résidences alternées, la partie de l’ouvrage sur les témoignages des juges est celle qui nous a plus intéressé. Certains passages sont truculents. Telle cette juge semble t-il pétrie de stéréotypes de genre d’un autre âge (la femme à l’intérieur de la caverne (e.g foyer), l’homme au bistrot à regarder le foot avec ses copains), ou encore cette autre magistrate, bien en peine d’expliquer sur quoi elle se fonde pour accorder ou non la résidence alternée et qui finit par avouer « qu’elle juge « avec son expérience de maman » (Op. cit Edition du Kindle P.17) ce qui semble ni très scientifique, ni très juridique, ni d’ailleurs, à certains égards, très juste pour les pères.
Tout cela ferait sourire si cela ne venait confirmer une triste réalité, à savoir l’absence de formation des magistrats en matière de psychologie du développement de l’enfant et l’incompétence de nombre d’enquêteur sociaux ou expert auxquels les Juges aux affaires familiales font pourtant abondamment appel. En 15 ans de pratique, nous n’avons jamais lu un rapport médico-social justifiant son point de vue scientifiquement, faisant référence à une publication d'un pair. Ce que révéle Benoît Hachet n'a rien d'étonnant.
De même, en presque 15 ans de barreau, chaque fois que nous avons interrogé des magistrats sur le point de savoir s’ ils pouvaient citer une étude indiquant qu’il y avait des contre-indication à la résidence alternée nous avons nous aussi obtenu aucune réponse ou des réponses plus qu’évasives. Et pour cause, il n’existe pas d’études scientifiques dignes de ce nom en ce sens. D’ailleurs, les études sur la résidence alternée publiées dans des revues scientifiques indiquent exactement l’inverse à savoir que quelque soit l’âge, les enfants en résidence alternée sont moins exposés à des risques de problèmes psychologiques ou à une dégradation de leurs indicateurs de bien être, de confiance en soi ou d’estime de soi.
En d’autres termes, nombre de magistrats rendent des décisions contraires à l’intérêt des enfants, sans le savoir, par ignorance, ce qui revient à une forme d’incompétence. Ce qui laisse aussi la place à l’influence de stéréotypes de genre plus ou moins conscients et plus ou moins prégnants. Au final, des enfants sur-exposés à des problèmes psychologiques, à l’échecs scolaires, des parents qui n'arrivent pas à s'inscrire rapidement dans la coparentalité et restent dans le conflit et la rancoeur, et au bout du bout de cette logique, 1 enfant sur 5 qui n’a plus de relation avec son père, triste statistique dont la France n'a pas à s'enorgueuillir (INED, Arnaud Régnier-Loilier, Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et l’enfant, Population et Sociétés, n° 500, mai 2013).
Heureusement comme le souligne l’auteur les choses changent « L’alternance fait (..) beaucoup moins polémique dans le monde psy, et nombreux sont ceux dont le regard sur cette pratique a changé, au fur et à mesure qu’elle se développait et que des enfants ont grandi dans ce contexte. L’évolution est assez proche de celle qui est en train de s’opérer sur l’homoparentalité ».(Op. cit. Edition du Kindle P.18)
Quand aux juges, toujours selon l’auteur, « Les différences (qu’il a) relevées entre les juges tiennent surtout à leur génération. Les plus jeunes, comme me l’a dit l’une d’entre elles, ont des frères, des cousines ou des amies qui ont vécu une séparation et qui jonglent avec adresse avec la résidence de leurs enfants. Dans ce cas, elles proposent même cette solution à des parents qui n’y ont pas pensé » (Op. cit Edition du Kindle P.17).
On voudrait le croire, et espérer que cela soit effectivement qu’une question de générations et donc de temps.
Relevons pour finir, que Benoît Hachet a également soutenu une thèse intitulée "La résidence alternée : une sociologie de l'expérience temporelle des parents".
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