Changement de résidence – Eloignement volontaire – Jurisprudence


Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 4 juillet 2006

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Vu les articles 373-2 et 373-2-11-3 du code civil ;

Attendu qu'il est de l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents et, lorsqu'ils sont séparés, d'entretenir des relations personnelles avec chacun d'eux ; qu'à cette fin, tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent ; que le juge, lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit notamment prendre en considération l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ;

Attendu que des relations entre M. X... et Mme Y... sont nés deux enfants, Marvyn le 10 mai 1994 et Mélina le 19 août 2000 ;

que Mme Y... a quitté le domicile commun de juin 2003 à décembre 2003 en laissant les enfants au père ; que le 9 janvier 2004, après quelques semaines de reprise de la vie commune, Mme Y... est partie avec les enfants à l'insu de M. X... pour s'établir en Nouvelle-Calédonie, sans laisser d'adresse ; que par ordonnance du 9 mars 2004, le juge aux affaires familiales a rappelé que l'autorité parentale sur les enfants mineurs était exercée par les deux parents, fixé la résidence des enfants chez le père et le droit de visite et d'hébergement de la mère, fait interdiction à Mme Y... de sortir les enfants du territoire national sans l'autorisation du père et ordonné l'inscription de cette interdiction sur le passeport de Mme Y... ; que Mme Y... a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que pour fixer la résidence habituelle des enfants chez leur mère et accorder au père un droit de visite et d'hébergement s'exerçant un mois par an, du 1er au 31 janvier pendant les vacances scolaires, l'arrêt énonce que si l'on peut regretter la décision secrète et unilatérale de Mme Y... d'aller s'établir aux antipodes avec ses enfants, il n'en demeure pas moins qu'au regard de l'intérêt des enfants, qui seul doit être pris en compte par la cour, ceux-ci sont bien intégrés socialement et au plan scolaire à Poindimie ainsi que cela ressort de très nombreuses attestations versées aux débats ; qu'après une période de doute, Mme Y... a retrouvé l'assurance et la stabilité qui lui sont nécessaires pour assumer ses obligations éducatives et que seule la certitude de pouvoir offrir aux enfants des conditions de vie indiscutablement meilleures chez leur père pourrait justifier un retour de ceux-ci chez M. X... ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le comportement de la mère ne traduisait pas son refus de respecter le droit des enfants à entretenir des relations régulières avec leur père, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille six.

Analyse

Publication : Bulletin 2006 I N° 339 p. 292

Il résulte des articles 373-2 et 373-2-11 3° du code civil que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent, qu'à cette fin tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent et le juge, lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit notamment prendre en considération l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre.

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui fixe la résidence des enfants chez leur mère, sans rechercher si le comportement de celle-ci, qui était partie s'installer avec les enfants en Nouvelle-Calédonie à l'insu de leur père sans laisser d'adresse, ne traduisait pas son refus de respecter le droit des enfants à entretenir des relations régulières avec ce dernier.